C'était
un grand jour pour la mission. Depuis 3 siècles, nous observions la
terre grâce à nos puissants satellites, et nous étions parvenus à
établir une planetographie complète recensant toutes les informations
géographiques, biologiques, technologiques et politiques qui nous
semblaient pertinentes. Nous disposions de rapports très complets,
faisant état de toutes les spécificités locales que nous avions pu
constater. En effet, si les humains nous avaient tous parus semblables
au premier abord, nous nous étions rapidement aperçus qu'il existait en
réalité de nombreuses disparités, causant la désorganisation
caractéristique de cette planète. De fait, telle que nous l'avons
observée, la terre est une planète très divisée. En premier lieu, une
division géographique forme plusieurs continents, séparés par des
océans. Ces continents sont ensuite divisés en pays, comme nous l'avons
découvert à force d'écoutes, car les pays ne peuvent être repérés
géographiquement. Un pays est constitué d'un regroupement, plus ou
moins important, d'humains, obéissent à un ensemble de règles communes
et parlant le même langage. Nous avons en effet noté que les lois et
les langages varient énormément sur l'ensemble de la planète,
entraînant visiblement des désaccords qui génèrent des conflits. Les
différents peuples humains n'ont donc pas les mêmes objectifs, et, sous
l'inspiration de leur chef, semblent consacrer davantage de temps à
défendre leurs points de vue locaux par la guerre, qu'à ?uvrer pour
leur avenir commun. Plus troublant même, les objectifs politiques
(objectifs communs insufflés par le chef) peuvent varier selon les
périodes à l'intérieur d'un même pays. Lorsqu'un changement de chef se
produit (selon un protocole varié en fonction des pays), il n'est pas
rare d'observer le nouveau chef détruire toutes les actions entreprises
précédemment. Ainsi, les humains n'ont aucune directive constante leur
permettant de progresser, ce pourquoi nous avons qualifié cette espèce
d'auto-destructrice. Cependant, compte tenu de la jeunesse de
l'espèce, et des conditions précitées, les humains ont mis en place de
considérables progrès technologiques, bien qu'ils n'en aient pas
toujours mesuré les conséquences. De plus, la terre est une planète sur
laquelle l'art, sous de bien nombreuses formes, s'est perpétué à
travers les siècles. Ces derniers constats nous laissent encore
perplexes, car, prouvant que l'espèce humaine est loin d'être dépourvue
d'intelligence, ils rendent encore plus inexplicable le règne de
désorganisation qui s'est instauré. Pour cela, nous avons ressenti le
besoin de pousser plus loin nos explorations, au niveau de la
psychologie de l'espèce. A cette fin, nous devions absolument nous
rendre sur terre, mais nous ne voulions pas être vus, ce qui aurait
biaisé nos observations. Nos scientifiques réfléchirent donc pendant
plusieurs années pour parvenir à une solution: notre technologie nous
permettait à présent de prendre possession d'un corps d'humain pour
explorer la planète sans éveiller les soupçons de ses semblables. C'est
pour cela que ce jour marquait un tournant crucial dans notre mission. Avec
une petite équipe de sociologues, nous avions affrété un vaisseau en
direction de la terre, où je serais responsable de trouver un humain
pour m'y incarner. Nous nous dirigeâmes vers un champ qui semblait
propice à l'atterrissage, et dépliâmes l'escalier d'accès au vaisseau.
J'aperçus une humaine qui longeait un chemin en bordure de champ. Par
télépathie, je lui intimai de s'approcher et de monter à bord du
vaisseau. Elle s'arrêta sur la dernière marche, à l'entrée du sas où je
devais prendre possession de son corps. Avant tout, en haut des
marches, plus qu'une femme je vis un être. Plus qu'un corps je vis une
silhouette longue que je pus seulement définir comme une ombre concrète
où brillaient deux yeux pénétrants pleins d'un esprit impétueux mais
cristallin. Il semblait que son regard était fait d'âme... Je n'ai pas
pu m'emparer d'elle. Relâchant ma pression psychologique, je la laissai
fuir. Elle était consciente, elle nous avait vus, elle fut abattue pour
éviter qu'elle ne parle. Nous décollâmes précipitamment, reportant la
mission. Aujourd'hui, je plaide coupable pour cet échec, et vous
présente bien sûr ma démission du service d'observation terre, me
tenant humblement à votre disposition pour toute tâche d'archivage que
vous jugeriez bon de me confier.
Consigne: construire une histoire en réutilisant dans son intégralité une citation. Ici, une citation d'Alexandro Jodorowsky Extrait de : MU Le maître et les magiciennes. "Avant
tout, en haut des marches, plus qu'une femme je vis un être. Plus qu'un
corps je vis une silhouette longue que je pus seulement définir comme
une ombre concrète où brillaient deux yeux pénétrants pleins d'un
esprit impétueux mais cristallin. Il semblait que son regard était fait
d'âme..." |